| Rédacteur : Phil.B |
Le deuxième album du nouveau duo en charge d'Astérix, Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, qui, soit dit en passant, est la meilleure chose qui pouvait arriver au petit gaulois depuis la mort de papa René, se lance sur une grande idée. En effet, la "Guerre des Gaules" du père Jules n'avait été que très très succinctement abordée par les albums précédents, sous forme d'allusions rapides. S'en servir de base pour une aventure entière tenait de l'évidence même.
Sur la tenue du scénario, rien à dire : cet excellent postulat de départ est tenu de bout en bout, même si certains aspects sont proprement invraisemblables et assez décevants ; mais allez chercher de la vraisemblance dans l'histoire d'un gros guerrier roux à tresses qui a une force surhumaine parce-qu'il-est-tombé-dans-la-potion-magique-quand-il-était-petit... La critique des médias et de la liberté de la presse est parfaitement lisible et n'aurait pas été reniée par Goscinny, eût-il connu notre début de siècle. Ce qu'on attend dans un scénario d'Astérix, en revanche, c'est le second degré, les anachronismes, les calembours, l'exactitude du timing comique... Tout cela était présent dans Astérix chez les pictes, premier album du duo, qui tirait assez honorablement parti de la banque de clichés qu'offrait le peuple écossais, à l'instar des bretons, des espagnols ou des corses à la grande époque.
Ici, on sent Ferri nettement moins à l'aise dans l'exercice de l'album "domestique" (celui où les héros ne quittent pas le village, ou presque). Check list :
Second degré : moyen.
Anachronismes : ouais, bon, quelques allusions aux réseaux sociaux plus ou moins réussies et pas forcément évidentes. Calembours : Pfrrttt...
Timing comique : tentatives de comique de répétition ; des répliques où l'on cherche les jeux de mots, sans quoi on se demande ce qu'elles veulent dire...
En conséquence, si le fond est inattaquable et remarquablement bien mené, la forme, en revanche, est en dessous des prétentions d'un album d'Astérix.
Il convient de saluer, dans la colonne des "plus", le remarquable travail graphique du dessinateur. Sans l'imiter bêtement, Conrad s'approprie l'univers graphique d'Uderzo en présentant des personnages et des décors fidèles au style qu'on leur connaissait, mais avec la signature subtile du coup de crayon de Bob Marone. Le résultat est en tout point convaincant.
Soyons clair : cet album, et c'est devenu un cliché de le dire, vole largement au-dessus des derniers tomes commis par Uderzo. Cela suffit-il pour satisfaire les vrais amateurs qui comptaient sur cette seconde vie pour retrouver un peu la jeunesse de leurs héros ?
À chacun de se faire son opinion. Et pour cela il faut le lire.